Ancien prof de philo. et essayiste à succès, Michel Onfray vient de consacrer un essai aux “anartistes” (Albin Michel, avril 2022).
Le sujet touche de près la caricature, puisque celle-ci a connu simultanément son âge d'or, dans la seconde moitié du XIXe siècle, dans des circonstances plus propices à la liberté d'expression.
S'il n'est pas limité au “Chat Noir”, cabaret montmartrois doublé d'un périodique, le mouvement “anartiste” trouve son impulsion dans cette initiative de Rodolphe Salis, épaulé par Alphonse Allais ; l'exposition plus éphémère, en 1886, des “artistes incohérents” fit aussi date.
M. Onfray, à son habitude, soutient une ou plusieurs thèses. Il s'efforce notamment d'établir que le XXe siècle n'est pas un siècle d'innovations artistiques, mais de reprises (par Malévitch, Kandinsky, Duchamp, Breton…). Sa démonstration est assez convaincante que l'art underground du XIXe siècle est passé de l'ombre à la lumière au XXe siècle. On comprend d'ailleurs mieux ainsi l'épuisement artistique actuel, au niveau du gadget ou du fétichisme.
Sur la signification ou la direction de ce mouvement artistique subversif, la thèse de M. Onfray est fragile. Fasciné par Baudelaire, il se laisse embarquer par la “théologie” catholique du poète-théoricien. Or, si l'on doit à l'oeil et la curiosité exceptionnels de Baudelaire une critique d'art moins vaine que d'autres, en revanche la théologie du “rire satanique” de Baudelaire est confuse, pour ne pas dire… incohérente.
Sans doute les anartistes sont-ils les représentants d'un anarchisme à la française, comme dit M. Onfray, moins idéologique et plus artistique ; mais placer ce mouvement sous le patronage de “Rabelais, Voltaire et Baudelaire”, revient à ne pas le définir.