A partir des souvenirs de sa compagne, Dominique Grange, incarnés par le personnage d'Elise, Jacques Tardi explique pourquoi certains “gauchistes”, quelques années après la fin de la Seconde Guerre mondiale, ont pu comparer les méthodes de la police française à celles de la Gestapo ou des SS.
La répression de la manifestation pacifique du 17 octobre 1961 (organisée par le FLN) de quelques dizaines de milliers d'ouvriers algériens bravant le couvre-feu qui venait de leur être imposé, est le déclic qui fait basculer Dominique-Elise dans une révolte idéologiquement assez confuse, compte tenu de son jeune âge. Cette rébellion trouvera dans les événements ultérieurs de “Mai 68” une occasion de s'exprimer.
C'est ici presque une théorie de “Mai 68” comme une résurgence de l'anarchie du XIXe siècle, provisoirement étouffée par deux guerres mondiales, dont les conséquences ne furent pas seulement matérielles. Le suicide des compagnons de lutte d'Elise est un des détails qui évoque les anarchistes du siècle précédent, dont le combat inégal et sans issue était parfaitement démoralisant.
La BD n'est pas sans défaut : Tardi use et abuse de sa capacité à peindre les monuments célèbres de Paris (ou de Lyon), qui est sa “marque de fabrique”. Peut-être un rappel que l'architecture de Paris a été largement conçue pour le besoin de la répression du peuple de Paris ?
En outre le ton de J. Tardi et D. Grange est trop didactique, comme s'ils voulaient écrire l'histoire authentique de “Mai 68” contre les promoteurs “bobos” de la culture soixante-huitarde.