L'ébranlement du roman national est une conséquence inévitable du progrès des études historiques, peu compatibles avec la propagande républicaine et ses mythes fondateurs. Chaque parti politique essaie de tirer à lui la couverture du roman national, d'imposer SA vérité, transformant peu à peu l'école en champ de bataille idéologique, au détriment des élèves.
Gérard Noiriel entend dans ses ouvrages redonner au “peuple” la place qu'il mérite dans l'Histoire de France. Cet angle neuf permet de voir que la “volonté populaire” n'est pas mieux prise en compte par les élites républicaines qu'elle ne fut sous l'Ancien régime. A partir de la révolution industrielle, le peuple commence à peser lourd en tant que force de travail, indispensable au fonctionnement des usines ; de là à accorder l'autonomie au peuple… la répression de la Commune prouve qu'il y a un fossé.
Mais l'idée d'une Histoire “populaire” est sans doute une fausse bonne idée, au-delà de la rectification de la légende dorée républicaine de la “représentation nationale”. D'abord parce que le “peuple” a toujours été présent dans les livres d'Histoire, officiels ou non, à travers le récit des hauts faits accomplis par des personnalités issues d'un milieu populaire dans le domaine de l'art, de la littérature, de la technique ou encore de la politique ; l'Histoire est avant tout faite de destins individuels exemplaires, quel que soit le milieu d'où vient cet individu ; le désir d'ascension sociale est en outre un mobile moral très important.
L'idée de G. Noiriel est une idée “sociologique” ; or la sociologie a tendance à enfermer l'Histoire dans des tableaux statistiques, enregistrant des rapports économiques. Si Karl Marx a démontré l'importance de ces rapports économiques, il ne réduit pas l'Histoire à l'économie.