Il est difficile de caricaturer l'argent, même lorsque le président de la République en activité est un ancien banquier d'affaire, car l'argent représente un pouvoir plus abstrait que celui des armes.
Le magazine “Beaux-Arts” du mois de mars s'est penché sur la représentation de l'argent dans l'art moderne.
Sophie Flouquet s'est appuyée pour rédiger son article (parfois confus) sur deux essais distincts par Stéphane Hamon (“L'image de l'Argent du XVe au XVIIe siècle”) et Nadeije Laneyrie-Dagen (“L'Argent dans la peinture”).
La méfiance vis-à-vis de la richesse et de la fascination qu'elle exerce date de bien avant l'ère chrétienne ; la richesse est décrite dès l'Antiquité comme un état de nécessité comparable à… la misère. Plusieurs fables d'Esope (reprises par La Fontaine) illustrent le malheur des riches, notamment l'inquiétude liée à leur condition, ou encore l'espoir fou que la richesse fait naître.
L'article rappelle d'ailleurs que les Ecritures juives font le lien entre argent et satanisme dans l'épisode biblique fameux du veau d'or. Ce récit mythologique souligne la fonction religieuse de l'argent, au-delà de son rôle pratique de monnaie d'échange, fonction religieuse symbolisée par l'or “solaire”.
L'Eglise catholique joue un rôle crucial dans l'art moderne, en tant que commanditaire et censeur pendant des siècles.
Or cette Eglise fut prise dans la contradiction entre sa volonté de jouer un rôle temporel institutionnel et le sens spirituel des Ecritures censées lui tenir lieu de fondement : “(…) le dénuement ne pouvait convenir à une Eglise qui, se considérant comme un pouvoir temporel, avait besoin de ressources. La justification du catholicisme à la possession de biens fut le don, particulièrement sous la forme de l'aumône.” (N. Laneyrie-Dagen)
Jeff Koons est mentionné pour conclure comme un exemple d'artiste capitaliste parfait ; l'argent subjugua aussi auparavant Salvador Dali (surnommé “Avida Dollars”) et Andy Warhol, tous deux représentants d'une culture dont on ne sait si elle se place sous la protection du dieu (de la Bible) ou du dollar, perpétuant ainsi le rapport ambigu de l'Eglise romaine à l'argent.
L'importance grandissante du marché de l'art, au point d'éclipser les oeuvres elles-mêmes, indique que la religion de l'art et celle de l'argent sont analogues.