Les grandes institutions du XXème siècle comme la Banque Mondiale, le Fond Monétaire International et l’Organisation Mondiale du commerce « apparaîtront de plus en plus défuntes ». Face à quoi O’Sullivan voit deux scénarios. Le premier, « favori des commentateurs parce qu'il leur permet d'écrire sur les calamités sanglantes de la fin du monde » est la répétition de ce qui s’est passé en 1913… genre « rétrécissement » pour commencer.
Il préfère le second, plus vraisemblable selon lui : « Au lieu de cela, l'évolution d'un nouvel ordre mondial - un monde entièrement multipolaire composé de trois (peut-être quatre, selon le développement de l'Inde) grandes régions distinctes dans le fonctionnement de leurs économies, de leurs lois, de leurs cultures et de leurs réseaux de sécurité - est manifestement en cours ». Encore très théorique jusqu’en 2018 cette notion a connu une soudaine accélération : « La multipolarité gagne du terrain et aura deux grands axes. Premièrement, les pôles du monde multipolaire doivent être importants en termes de pouvoir économique, financier et géopolitique. Deuxièmement, l'essence de la multipolarité ne réside pas simplement dans le fait que les pôles sont grands et puissants, mais aussi qu'ils développent des façons de faire distinctes et cohérentes sur le plan culturel. La multipolarité, où les régions font les choses distinctement et différemment, est également très différente du multilatéralisme, où elles les font ensemble »
Exemple de cette évolution : les flux commerciaux du Cambodge, du Vietnam, du Laos et de la Malaisie avec la Chine ont augmenté plus que ceux avec les États-Unis et se retrouvent dans son orbite.
En termes clairs, nous entrons tout simplement dans une phase de réorganisation de flux irriguant la planète. Car, au fond, ce sont les flux qui nous intéressent. Ils sont plus importants que les frontières qui entendent les couper et que la taille exacte des espaces qu’ils irriguent. Mais comment s’organisent-ils ?
Référence obligatoire de toute réflexion sur le rôle des villes dans la globalisation, le livre
Global Cities publié par Saskia Sassen en 1991 date maintenant, comme le montre le fait qu’il se limitait à la prise en compte, de Londres, Washington et Tokyo. Mais le fond reste valable, explique le géographe Michel Lussault, directeur de l’Ecole urbaine de Lyon dans un entretien au Monde du 10 juin 2019 : «
C’est à partir des villes que la mondialisation se développe et dans les villes que la mondialisation se cristallise ». Aujourd’hui le phénomène est plus distribué : «
Il y a tout un maillage de villes entre 500 000 et 1,5 million d’habitants qui constituent des éléments essentiels de la mondialisation : elles concentrent des ressources et sont des attracteurs de populations, de flux, de travail, de créativité, d’innovations sociales et culturelles ».
Le rôle de ces villes, connectées entre elles, change : la rébellion des villes américaines contre Trump à propos de l’accord de Paris sur le climat « remet en question l’absolue primauté de l’État comme échelle géopolitique de référence. […] Les ensembles urbains contemporains sont devenus de fait des acteurs géopolitiques mais de droit, malheureusement, on ne leur reconnaît pas ce statut. Ce n’est pas un hasard si se constituent des réseaux comme le C40, qui réunit de grands territoires urbains qui cherchent à se constituer un rôle géopolitique ».
Tout ceci est encore une affaire de flux. Les villes les attirent d’autant plus facilement qu’elles sont plus grandes
comme nous l’a montré Geoffrey West dans une CDU antérieure. Que l’on prenne l’approche d’O’Sullivan ou celle de Lussault, la réorganisation des flux, de leurs itinéraires, des distances qu’ils couvrent, des directions qu’ils prennent et de ce qu’ils véhiculent conduisent à des sociétés différentes qui, dans une certaine mesure, cohabitent ou peuvent cohabiter.
Mais nous avons du mal à les étudier complètement.
Qui dit flux pense facilement à fluidité, (qualité de ce qui est fluide, c’est-à-dire qui coule aisément). Mais ce qui est en question dans les flux dont nous parlons est bien plus complexe. Il nous manque un terme pour mieux appréhender, évaluer, mesurer ce qui est en question. Pour cela nous proposons celui de flubilité qui prend en compte, outre la fluidité, ce qui circule, la direction et la distance sur laquelle cela circule. Elle est la mesure de la fonction des réseaux, ce motif (pattern) que nous retrouvons à tous les niveaux du vivant, mais qui ne nous donne que le tracé, plat en quelque sort.
Au niveau de la planète on peut parler, comme le suggère Marcus Goddard, VP Intelligence de Netexplo (pour qui j’écris mon livre qui sera co-publié par l’UNESCO) de « flowbalization » ou « flubalisation ». D’où l’intérêt de la « flubalité »…
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En quelques liens…
Rien à voir mais…
The most undervalued skill? Lateral thinking. Contre la pensée excessivement logique, une autre façon d’aborder les problèmes. Je ne sais pas si c’est la bonne mais elle est source de propositions intéressantes comme… Nintendo.
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