J'ai découvert l'hypnose médicale en 2011, à Biarritz, avec vue sur la mer. Le congrÚs de la Confédération francophone et thérapies brÚves (
CFHTB) rassemblait des gastroentĂ©rologues « en dĂ©pression professionnelle » - les approches apprises Ă la fac les laissaient insatisfaits -, des pompiers pratiquant l'hypnose en situation d'urgence, des infirmiers, des sage-femmes, des psychothĂ©rapeutes⊠Mais en quoi consiste exactement cet Ă©tat qui nous est naturel et dont j'ai parlĂ© Ă plusieurs reprises dans ces Lettres ? Je laisse Clothilde Lalanne, psychanalyste formĂ©e Ă lâhypnose ericksonienne, prĂ©ciser. Câest elle qui m'avait conviĂ©e au congrĂšs.
Comment définissez-vous l'hypnose ?
PremiĂšrement, lâhypnose nâest pas du sommeil, mĂȘme si Hypnos est le dieu grec du sommeil. Lâhypnose est un eÌtat neurophysiologique dans lequel nous sommes plusieurs fois par jour sans mĂȘme nous en rendre compte.
Si brusquement je me mets Ă repenser Ă un coup de fil reçu la veille, je ne suis pas dans lâĂ©tat dâhypnose. Je suis dans le cĂ©rĂ©bral. En revanche, si je me mets Ă ressentir toutes les sensations que jâai ressenties pendant lâappel, si mon corps ressent tous les effets provoquĂ©s par cet appel , lĂ je suis dans lâinstant dâhier. Quelquâun peut me parler, je ne lâentendrais pas. Il faut quâil insiste pour que je revienne Ă lâinstant du prĂ©sent. JâĂ©tais dans un ailleurs, qui nâĂ©tait pas le prĂ©sent du rĂ©el. JâĂ©tais dans un ailleurs corporel. JâĂ©tais en Ă©tat dâhypnose.
Que pouvez-vous dire Ă un patient pour le mettre en hypnose ?
Je lui suggĂšre des images pour lâaider Ă ressentir ses sensations Ă lui. En parlant avec son vocabulaire : sâil est plus auditif, jâutilise un vocabulaire auditif, sâil est plus visuel, un vocabulaire visuel, etc.
Je peux dire, quand je ne sais pas quel sens lui parle le plus, par exemple : « Laissez venir Ă vous un paysage que vous aimezâŠÂ » Je focalise son attention. Puis je lâaide Ă revivre des sensations : « Un paysage oĂč vous ĂȘtes bien⊠oĂč vous avez de beaux souvenirs⊠ou qui vous apaise⊠Je ne sais pas si câest un paysage de montage ou de mer⊠ou la campagne⊠Vous vous sentez marcher⊠Vous sentez votre corps qui bouge⊠Je ne sais pas sâil est lĂ©ger ou lourdâŠÂ » Puis : « Vous ressentez lâair⊠je ne sais pas sâil pleut ou sâil y a du soleil⊠Et puis vos oreilles⊠entendent des sons⊠Je ne sais sâils sont lointains ou prochesâŠÂ »
Je dis « vos oreilles entendent » et pas « vous entendez » : on utilise la dissociation pour crĂ©er lâĂ©tat dâhypnose. On peut aussi utiliser la confusion. Je peux dire ainsi : « vous faites une bĂ©chamel⊠Vous avez pris la casserole la plus carrĂ© possible⊠Elle est lĂ©gĂšre et transparente comme du verreâŠÂ »
Ca veut dire que vous ne dirigez pas le patient ?
Je lâaide Ă entrer dans son Ă©tat dâhypnose pour transformer le regard quâil a sur un problĂšme et sur lui-mĂȘme.
En ce moment, vous travaillez avec des soignants ?
Par tĂ©lĂ©phone, jâaide les soignants qui le souhaitent, dans les hĂŽpitaux de ma rĂ©gion, Ă ĂȘtre moins impliquĂ©s sensitivement dans les soins quâils donnent. A ne ressentir ni la souffrance de la souffrance quâils peuvent donner Ă leurs patients, ni lâangoisse, ni lâĂ©coeurement face au pus ou Ă certaines odeurs. A placer une distance entre leurs gestes et leurs sensations.
Je leur suggĂšre par exemple de se mettre Ă lâintĂ©rieur dâune bulle de verre, de sây ressentir. Leurs yeux peuvent voir en mĂȘme temps Ă lâintĂ©rieur et Ă lâextĂ©rieur, ce qui leur permet de continuer Ă donner des soins. Tout en Ă©tant protĂ©gĂ©s par les limites de la bulle en verre. Ils sây logent, ils sây installent avec leurs sensations de sĂ©curitĂ©, celles qui leurs sont propres. Jâen Ă©voque plusieurs - de lâair, de la chaleur, un sensation de lĂ©gĂšretĂ©, ou de lourdeurâŠ. - et lâune de sensations Ă©voquĂ©es va parler Ă leur sensation personnelle. Dâailleurs, Ă partir du moment oĂč ils disposent de cet objet sĂ©curisant, en gĂ©nĂ©ral ils lâutilisent dans leur vie personnelle Ă©galement.
â Propos recueillis par Elsa Fayner