« Une communauté plus qu’humaine ». A Peyrolles, la chèvrerie de Marie-Do me semble incarner cette utopie d’Antoine Chopot, philosophe.
Environ vingt-six chèvres de races différentes et leurs chevreaux. Trois chiens, Champagne, Toffy et Michka. Marie-Do, Soeur catholique hors congrégation et, ponctuellement, Marian et Nilou, travailleurs roumains détachés. Les autres vivants de la garrigue. Des amateurs de fromages. Et enfin beaucoup d’amis et visiteurs, dont je fais partie.
Gaïa, la cheftaine, veille sur le troupeau. Elle est entourée des doyennes, « Izis, l’arrière grand-mère » comme dit Marie-Do, Beauté et Prems. Les plus jeunes tentent de définir leur place. A coup de cornes. Comme Bobine, « qui a fait ses chevreaux avant Praline, et revendique maintenant sa première place dans le troupeau ». Schpinky, le gentil bouc, règne en mâle reproducteur. Plus pour longtemps. Marie-Do doit s’en séparer : il a beaucoup de descendants. Et puis, il y a Lili, de race naine, qui un jour, harcelée par l’altière Ebène, a bondi pour lui arracher l’oreille. Bambino, qui suit le troupeau malgré sa patte folle. Fleur de Lys, l’alpine, excellente laitière, de forme cubiste… et enfin Petite Blanche, particulièrement câline.
Au sein de la communauté, le dialogue est constant. Marie-Do parle à ses chèvres, qui lui répondent. Marie-Do soigne, réconforte, encourage. Prend dans ses bras les petits chevreaux « tout énervés » et assiste jour et nuit les mise-bas des chèvres qui la sollicitent. Avec les chiens, le dialogue est plus complexe, les malentendus fréquents. Elle attend une certaine discipline de ses chiens de berger ; la sécurité du troupeau en dépend. Champagne, Toffy et Michka reçoivent des instructions différentes, chacun dans sa langue : français, anglais ou roumain.
Une cigarette, une prière, un museau grimaçant, tous les échanges ne passent pas par la parole, ni par le regard. En prise de vue, il est rare que quelqu’un ne vienne pas machouiller les brides de mon sac à dos, renifler la doudoune ou se frotter généreusement.
Cet automne, tout le monde sent avec appréhension la présence d’un nouveau protagoniste dans les collines. Une meute de loups a été aperçue dans la petite Sibérie provençale.
— Hélène David