Les mesures de confinement s'assouplissent, la périodicité de cette lettre aussi. Nous reviendrons de temps en temps, comme ça,
pour dire bonjour et avoir le plaisir de recevoir vos mots, vos réponses à nos questions bizarres, vos inscriptions, qui activent mon circuit de la récompense. Nous partßmes trois il y a un peu plus de 21 jours, nous voilà 350. Avec un taux d'ouverture des missives supérieur à 60%. Quand je m'en suis inquiétée, un copain spécialiste m'a assuré que c'était le score de Barack Obama. De Taylor Swift aussi (une parente de
celui-ci ?!). J'hésite sur les conclusions à en tirer.
Parce qu'Obama n'a sans doute jamais eu la surprise d'observer un de ses cousins rĂ©pondre au mĂȘme « Par quoi remplacer ? » qu'un ergonome qu'il interviewe rĂ©guliĂšrement, ni dĂ©couvrir qu'une amie de sa mĂšre Ă©crit des saynĂštes, encore moins remarquer ce que ses idĂ©es lancĂ©es Ă la volĂ©e inspirent Ă ses comparses, Ă©changer, fabriquer ensemble un objet. C'est le plaisir pour moi de cette lettre.
Nous en avons parlé, nous avons besoin de « cercles d'appartenance » pour
construire notre «
sentiment d'exister », celui qui nous permet de nous sentir le droit dâĂȘtre lĂ , de faire des projets, de nous tenir debout sans nous effondrer, ou pas trop souvent. Ca y est, je cite encore Robert Neuburger. Et lĂ encore c'est une bande qui me vient Ă l'esprit, de psys cette fois, qui se connaissent d'amitiĂ©, de formations, de complicitĂ©.
Bande, équipe, cercle.
« Ne mettez pas tous vos oeufs dans le mĂȘme panier, » conseille le psychanalyste. MĂȘme confinĂ©s. Surtout confinĂ©s. Car quand un panier vacille et qu'il n'y en a pas d'autres Ă cĂŽtĂ© - quand on a tout misĂ© sur le travail par exemple et que des changements de rĂšgles du jeu dans l'entreprise provoquent un dĂ©sĂ©quilibre -, le sentiment d'exister peut en prendre un coup. Ce n'est pas une maladie, c'est un malaise existentiel, dit le psy.
Cultiver l'amitiĂ©, ĂȘtre dans la relation, Ă soi et aux autres⊠« Nous savons aujourd'hui que ces comportements participent Ă la production de sĂ©rotonine dans le cerveau »,
expliquait en 2018 Ă
L'Express Pierre-Marie Lledo, directeur du département neurosciences de l'Institut Pasteur. Ce neurotransmetteur, impliqué dans le
sentiment de plénitude et de contentement, est essentiel à la régulation de nos humeurs, disait le journal.
En revanche, il existe une molĂ©cule antagoniste Ă sa production : la dopamine, liĂ©e dans notre cerveau au plaisir et au circuit de la rĂ©compense. Nous y revoilĂ . « La rĂ©compense, c'est ce qui nous pousse Ă agir : si nous n'aimions pas la nourriture et le sexe, nous ne mangerions pas et ne nous reproduirions pas. [âŠ]
Mais quand la récompense devient notre but premier, elle fait le lit de l'addiction, qui est l'exact opposé du bonheur. » C'est en tous cas la
thĂšse que dĂ©veloppe le scientifique amĂ©ricainÂ
Robert Lustig.
Sucre, chocolat, alcool, réseaux sociaux⊠Je ne crains pas une addiction à la rédaction de (21 JOURS). Quoi que. J'ai avant tout besoin de refaire non pas ma garde-robe - les magasins peuvent rester fermés - mais ma garde-pensée. J'ai sous mon bureau depuis le début de l'année une pile de livres qui se déplacent les uns sur les autres au gré des passages d'aspirateur, coups de pied échappés d'une posture de yoga incontrÎlée, décision subite de tout déménager. Boris Vian, Antonio Damasio, Dominique Megglé, Hubert Reeves, Louis Aragon⊠Pas trÚs féminin tout ça mais vous voyez l'idée. Allez, dopamine et sérotonine sont dans un bateau⊠Je vous laisse continuer.
â Elsa Fayner